L'éthicien, s'il existe...

éthique et santé

Revue ETHIQUE & SANTE. Vol 12 - n° 2 Pages 116-123

Site de la Revue Ethique & Santé

Auteurs :

Roland Chvetzoff, PhD (1)(2)
(1) Cabinet LATITUDE SANTE, 38460 Trept.
(2) Faculté de philosophie université Lyon 3, Institut de Recherches Philosophiques de Lyon (IRPhil), 69007 Lyon.

Résumé :

L'éthicien, s'il existe...
Le soin met en jeu deux types de relations qu’il ne s’agit pas d’opposer mais de mettre en tension :
(1) Une relation indirecte, organisée, planifiée pour une meilleure efficience et sécurité des soins.
(2) Une relation directe dans laquelle s’inscrit le colloque singulier soignant-soigné.
La première est à l’origine d’une éthique organisationnelle orchestrée par un « éthicien » dont l’objectif serait, à l’extrême, de réduire les Événements Indésirables Associés aux Soins (EIAS). La seconde privilégie une éthique comme forme d’héroïsme moral consistant quant à elle à rendre l’événement indésirable « désirable ».
Mais notre modernité signe un pluralisme de pensée amenant les professionnels à faire face à des situations toujours plus complexes, inédites, et sources de conflits éthico-pratiques. Des conflits qui nécessitent de réinventer une nouvelle syntaxe de l’agir au sein d’espaces éthiques institutionnels (Comités ou Groupes de réflexion éthique).
Pour autant, il ne suffit pas que l’éthique ait un lieu pour qu’elle ait lieu. Au delà de comment penser ou comment mettre en œuvre l’éthique, cet article interroge l’identité même de l’éthicien : l’éthicien existe-t-il ou bien seule l’éthique peut-elle exister ?
Notre propos consiste à montrer que malgré toute la subjectivité due au récit d’une situation clinique, seul le travail de recherche et d’étayage par des traces documentaires permet à l’éthicien, dont c’est le rôle, l’élaboration d’une subjectivité de haut rang. Celle-ci transforme une situation clinique en une observation éthique instituée en élevant la trace à la dignité de document, et le passé à la dignité de fait historique. La question est ainsi de savoir ce qui distinguerait une bonne d’une mauvaise subjectivité pour que, in fine, l’observation éthique ne s’achève que dans le lecteur de ce travail (membres du Comité ou du Groupe, professionnels de santé, étudiants, patients, citoyens). Ce travail de reprise est aux fondements d’une médecine et d’une éthique narratives qui permettent une ouverture du champ des possibles de l’agir des patients et des professionnels. Un métier d’éthicien qui fait l’éthique et l’éthicien donc. Mais un éthicien, s’il existe, qui devra faire face à un des enjeux majeurs des décennies à venir : participer à la mise en œuvre d’une démocratie économique afin de questionner avec les citoyens et face au politique l’homme que nous ferons demain.

Mots clés :

Éthique ; Éthicien ; Démocratie économique ; Institutionnalisation de l’éthique ; Éthique narrative ; Politique.

Retour page Publications